
Arrivée de Paul en France
Retrouvailles
Après 10 mois d’attente entre nos deux voyages qui furent parfois compliqués (et nous sommes bien conscients que ce délai a été très raisonnable compte-tenu de la situation actuelle), nous nous sommes à notre tour envolés vers Haitï le 11 décembre dernier.
Que d’émotions ! Des retrouvailles avec notre fils, Paul Woodchel (4 ans et demi), d’une intensité émotionnelle incroyable ; une joie immense de retrouver ce beau pays, et tous les haïtiens que nous avions rencontrés. Ce deuxième séjour fût une fabuleuse (et unique) parenthèse pendant laquelle le temps s’est arrêté.
Notre retour en France, à la maison, a eu lieu jeudi 20 décembre 2018, pour le commencement d’une nouvelle vie. A l’heure où nous écrivons ce témoignage, voilà 3 mois que nous sommes réunis.
Joies…
Nous sommes arrivés dans l’effervescence des fêtes de Noël. Heureux de la perspective de ce premier Noël réunis, il a fallu toutefois gérer l’enthousiasme de
familles qui voulaient offrir à notre petit Paul ses plus beaux cadeaux de Noël. Il était pour nous important d’éviter l’opulence des cadeaux d’arrivée et de Noël qui pouvait laisser penser à Paul que ça allait être ainsi tous les jours ! Nous avons alors fait le choix de fêter Noël chez nous, en comité restreint. Paul a fait la rencontre de ses deux grandes sœurs, Anna (18 ans) et Mélina (15 ans), qui l’attendaient depuis si longtemps. Paul s’est bien intégré. Quel bonheur de voir notre famille enfin réunie !
Nous avons vécu les semaines suivantes en vase clos, au calme et surtout au rythme de Paul et de son adaptation, en essayant de savourer chaque instant. Au programme, jeux, promenades, câlins, découvertes, rituels, rendez-vous post adoption… ont ponctué ces journées qui, malgré tout, passaient à une vitesse folle.
Découvertes
Paul a découvert avec bonheur son premier vélo, « c’est pour mouai ? ». Ses yeux brillaient. Il a depuis appris à en faire et l’enfourche presque chaque jour pour aller à l’école.
Nous profitons de toutes ses premières fois, de toutes ses découvertes et de tout un tas de choses qui nous semblent tellement naturelles, mais qui n’étaient pour lui que nouveautés. Il analyse avec curiosité chaque recoin de la maison, touche absolument tout et va même parfois jusqu’à sentir les objets !
Nous répondons à ses nombreuses questions, ou du moins à celles que nous comprenons. Nous pensions que la barrière de la langue serait plus compliquée mais dès le départ, Paul comprenait très bien ce qu’on lui disait. Il s’exprime dans sa langue, avec son petit accent qui nous fait parfois bien rigoler, et sait parfaitement nous faire comprendre ce qu’il veut. On reformule régulièrement ses phrases et son intégration à l’école l’aide à progresser de jour en jour.
Personnalité
Depuis nos retrouvailles, nous sommes en admiration devant l’enthousiasme et la joie de vivre de notre garçon. A vrai dire nous étions surtout surpris car nous avions gardé, de notre premier voyage, l’image d’un petit garçon discret et pas toujours très souriant.
Paul adore danser et chanter ; on s’aperçoit alors que les comptines traversent les années mais aussi l’océan puisqu’au final nous les connaissons presque toutes !
Ecole, nourriture
Après 3 semaines d’adaptation à l’école, il semble être comme un poisson dans l’eau au milieu de ses camarades de classe. Sa maîtresse est rassurée, elle s’attendait sans doute à un enfant qui n’avait jamais connu l’école, les codes de bonne conduite et la discipline… il en est tout autre.
Les questions que nous avons sans doute le plus entendues depuis notre retour concernent son adaptation climatique et son changement d’alimentation. Il faut dire qu’il ne faisait pas chaud en France fin décembre. Paul ne s’est a priori pas rendu compte du changement et demande régulièrement à mettre un short le matin…
Il s’est très vite adapté à notre nourriture et n’a pas manqué de gouter escargots et foie gras à Noël. Il mange presque de tout avec appétit avec un petit faible pour les bananes et les saucisses qu’il appelle « hot dog » !
Notre joie est incommensurable mais nous avons aussi dû faire face à quelques difficultés.
Sommeil
Le sommeil a été une des difficultés majeures à notre arrivée. La peur du lâcher prise, les angoisses, les cauchemars… pendant presque 2 mois, l’endormissement a été compliqué et les nuitées entrecoupées de nombreux réveils nocturnes pendant lesquels il a fallu le rassurer, le câliner et le rendormir. Cette période est exténuante mais il faut s’armer de patience. Avec le temps les choses se sont arrangées et même si aujourd’hui les réveils sont très matinaux, l’endormissement et les nuits sont calmes.
Colères
Paul accepte davantage la contradiction aujourd’hui mais il nous a fallu gérer quelques grosses crises de colère. Même si nous avions repéré un tempérament plutôt affirmé lors de notre premier séjour, des montées de violences passagères continuent de témoigner d’un grand bouleversement dans sa vie, d’une façon d’exprimer verbalement ses émotions mais aussi d’une habitude de se défendre lui-même à la crèche.
Besoin de sécurité
En parallèle de l’intégration de Paul, c’est le changement de notre propre vie qu’il a fallu gérer. Devenir parents de notre petit bonhomme est l’une des plus grandes aventures qui soit. C’est aussi une expérience émotionnelle extrêmement forte. Ayant un immense besoin de sécurité, Paul nous sollicite tout le temps et supporte difficilement de se séparer de nous (particulièrement de sa maman). Pas même une porte fermée… A d’autres moments, par méfiance, il va tester le lien que nous construisons: allons-nous, nous aussi, l’abandonner ? Il demande donc beaucoup d’attention, et ce n’est pas évident à vivre, surtout, quand on a eu l’habitude d’être seul et « libre » pendant de nombreuses années. Il a été pour nous essentiel de trouver des stratégies pour souffler un peu pendant cette période, d’où l’importance d’être à deux le plus longtemps possible afin de se relayer.
Disponibilité
Nous pouvons dire aujourd’hui que les deux premiers mois nécessitent une énorme disponibilité et une patience colossale. Nous essayons d’expliquer les choses à Paul, que ce soit suite à un caprice, une crise de colère ou simplement au sujet du programme du lendemain. Il a besoin d’un cadre, de repères et d’être toujours rassuré.
Aujourd’hui, tout semble rentrer dans l’ordre petit à petit. Le temps fait et fera son œuvre. Les enfants ont décidemment une capacité d’adaptation incroyable.
Nous continuons à prendre nos marques, mais nous avons la certitude que nous nous sommes naturellement acceptés, apprivoisés et ainsi adoptés.
Paul et son arrière-grandmère: